La chambre dans les romans par Céline Mounier, sociologue au sein d'ORANGE
« Voici comment des écrivains perçoivent cette pièce de la chambre : c’est une pièce que l’on ne peut penser qu’en rapport avec des entre-deux. Quand la chambre n’est pas envisagée au regard d’ouvertures, elle est le lieu parfait de la mélancolie. Une lecture, relecture, rapide de quatre romans m’invite à écrire cela ... »
Il y a la chambre du gîte. Ainsi dans Une part de ciel de Claudie Gallay.
« Un deux-pièces mitoyen aux ateliers de la scierie, chauffé à l'électrique. J'ai posé ma valise sur le lit. L’ordinateur. » ; « Se souvenir permet de ralentir la perte des êtres comme celle des choses. »
Tous les matins, quasiment à heure fixe, la narratrice photographie une dame qui secoue des draps. Ceci devient un rendez-vous, une attente, une routine qui s’installe, obligatoire. La chambre, c’est le lieu de l’activité méditative tandis que le café et tous les autres lieux dans le roman ceux des rencontres combinées aux méditations. La méditation par la marche dans la montagne est aussi puissante que celle de l’attente de la dame qui secoue des draps.
Il y a la chambre de la maison. Ainsi dans La cache de Christophe Boltanski.
« Elle donnait audience, recevait ses amis proches, répondait au courrier, tapait ses romans, très vite, avec deux doigts, sur sa machine Olivetti, faisait les comptes, tranchait, prenait les décisions importantes. Le lit était moins « l’espace forclos du désir » que le siège du pouvoir, le point fixe autour duquel tout s’organisait. »
« La pièce (entre la chambre et la salle de bain) lui servait d’espace transitionnel entre le dedans et le dehors, entre son for intérieur et la réalité, entre les récits imaginaires de sa mère, son identité bourrée de ratures, d’erreurs, de blancs, d’omissions et la société qu’il cherchait par tous les moyens à intégrer. (…). L’entre-deux représentait bien plus qu’une aire intermédiaire entre sa chambre et la salle de bains. C’était son mode d’être. » (p. 239-240).
Il y a la chambre de la clinique psychiatrique. Ainsi dans L'amour et les forêts d'Eric Reinhardt.
Il y a un chapitre dans lequel Bénédicte Ombredanne, le personnage principal de ce roman, va dans une clinique psychiatrique.
« Ils se reposent ici de leur réalité, c'est tout. » ; « Pour la première fois depuis des années, elle voyait briller dans ses pensées, ses pensées de nouveau en mouvement » « Tout à coup, rien ne lui avait paru plus précieux qu'une feuille et un crayon. » ;
« Elle réapprit à s’aimer. » « C'est à La Bulle (la cafétéria ici dans le texte) qu'Elisa entraîna Bénédicte. ». » « Quelque chose de factice y régnait, et d'un peu théâtral, qui évoquait tout à la fois le monde réel et le monde de l’hôpital. »
Il y a la chambre de l’amour et c’est celle de la nostalgie. Ainsi dans Alex’s baby d’Anne de Pasquale.
Etre dans la chambre du souvenir est ce qui permet de vivre libre dans son souvenir.
« Pour une raison obscure, Alex choisit de passer la nuit à l’étage, dans le studio de Marc. … C’était la première fois depuis sa mort qu’elle dormait dans ce lit et son appréhension était vive. » (p. 25).
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